J.O. 50 du 1 mars 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Décision du 3 février 2005 se prononçant sur un différend qui oppose la Société de revente d'électricité et de gaz, d'investissement et d'exploitation en énergie et de services (Sorégies) à la régie du Syndicat intercommunal d'énergie des Deux-Sèvres (SIEDS) relatif à la signature d'un contrat GRD/fournisseur


NOR : CREX0508097S



La Commission de régulation de l'énergie,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 16 décembre 2004 sous le numéro 04-38-10, présentée par la Société de revente d'électricité et de gaz, d'investissement et d'exploitation en énergie et de services (ci-après désignée la « société Sorégies »), société anonyme d'économie mixte locale, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Poitiers sous le numéro B 450 889 225, dont le siège social est situé 78, avenue Jacques-Coeur, 86068 Poitiers Cedex 9, prise en la personne de son représentant légal, M. Jean-Pierre Viou, ayant pour avocat Marie-Thérèse Sur-Le Liboux, 90, rue de Miromesnil, 75008 Paris.

La société Sorégies a saisi la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la régie du Syndicat intercommunal d'énergie des Deux-Sèvres (ci-après désignée la « régie du SIEDS »), gestionnaire du réseau public de distribution sur tout le territoire des communes adhérentes au syndicat, concernant la signature d'un contrat (ci-après désigné le « contrat GRD/fournisseur »), relatif à l'accès au réseau public de distribution, à son utilisation et à l'échange de données pour les points de livraison pour lesquels a été souscrit un contrat unique.

Elle expose qu'en qualité d'opérateur exerçant l'activité d'achat d'électricité pour revente aux clients éligibles, elle a sollicité de la régie du SIEDS la signature d'un contrat GRD/fournisseur, conformément aux dispositions de la loi no 2003-8 du 3 janvier 2003. Elle indique qu'elle a signé le contrat GRD/fournisseur et que, bien qu'ayant régulièrement complété le dossier, elle n'a pu obtenir la signature du contrat par la régie du SIEDS.

Elle soutient, en outre, qu'elle a respecté rigoureusement les procédures de changement de fournisseur mises en place par la régie du SIEDS, mais que, du fait de l'absence de contrat GRD/fournisseur signé, un certain nombre de ses clients n'ont pas pu s'approvisionner auprès d'elle.

La société Sorégies demande, en conséquence, à la Commission de régulation de l'énergie de régler le différend qui l'oppose à la régie du SIEDS en ce qui concerne la signature du contrat GRD/fournisseur et d'ordonner à la régie du SIEDS de signer ce contrat.


*

* *



Vu les observations en défense, enregistrées le 10 janvier 2005, présentées par la régie du SIEDS, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Niort sous le numéro B 781 446 497, dont le siège social est situé 14, rue Notre-Dame, 79009 Niort Cedex, prise en la personne de son directeur général, M. Georges Gallet.

La régie du SIEDS indique que son refus de conclure le contrat GRD/fournisseur est fondé sur l'instruction du préfet des Deux-Sèvres, qui se réfère à la position du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, selon laquelle une société d'économie mixte locale ne peut intervenir en dehors du territoire des collectivités qui l'ont créée et ne peut, dès lors, fournir de l'électricité aux sites de consommation situés en dehors de ce territoire, y compris pour les clients multisites.

La régie du SIEDS soutient, en outre, se fondant toujours sur l'instruction du préfet des Deux-Sèvres, que cette position s'applique aux deux fonctions de gestionnaire de réseau public de distribution et de fournisseur d'électricité.

Elle estime, donc, qu'elle ne pouvait valablement signer un contrat GRD/fournisseur avec un fournisseur non autorisé à opérer sur son territoire.

La régie du SIEDS confirme son refus de signer le contrat GRD/fournisseur et conclut au rejet de la demande de la société Sorégies ;


*

* *


Vu les observations en réplique, enregistrées le 17 janvier 2005, présentées par la société Sorégies, qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;


*

* *


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;

Vu la décision du 15 février 2001 de la Commission de régulation de l'énergie relative au règlement intérieur de la commission ;

Vu les décisions des 20 et 29 décembre 2004 du président de la Commission de régulation de l'énergie relatives à la désignation d'un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l'instruction de la présente demande de règlement de différend ;

Vu la loi no 46-628 du 8 avril 1946 modifiée sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, notamment son article 23 bis ;

Vu le décret no 2004-388 du 30 avril 2004 relatif à l'exercice de l'activité d'achat d'électricité pour revente aux clients éligibles et aux obligations des fournisseurs relatives à l'information des consommateurs d'électricité ;


*

* *


Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique de la Commission de régulation de l'énergie, qui s'est tenue le 3 février 2005, en présence de :

M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Eric Dyevre, Michel Lapeyre, Bruno Lechevin, Pascal Lorot, commissaires ;

M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;



M. Didier Laffaille, rapporteur, et MM. Patrick Loustalet et Gaël Bouquet, rapporteurs adjoints ;

M. Marc Loisel et Me Marie-Thérèse Sur-Le Liboux, pour la société Sorégies ;

M. Georges Gallet, pour la régie du SIEDS.

Après avoir entendu :

Le rapport de M. Didier Laffaille, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

Les observations de Me Marie-Thérèse Sur-Le Liboux, pour la société Sorégies : la société Sorégies persiste dans ses conclusions et moyens ; elle soutient que le récépissé délivré par le ministre chargé de l'énergie, en application du décret du 30 avril 2004, lui reconnaît la qualité de fournisseur d'électricité sur l'ensemble du territoire national ; elle fait valoir que l'article 29 de la loi du 9 août 2004, relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, n'ayant pas de portée rétroactive et n'ayant pas abrogé le décret susvisé, n'a pas eu pour effet de retirer l'agrément délivré à la société Sorégies pour une durée de cinq ans ; la société Sorégies confirme qu'elle demande bien à la Commission de régulation de l'énergie d'ordonner à la régie du SIEDS de signer le contrat GRD/fournisseur dans un délai qu'il appartient à la commission de déterminer ;

Les observations de M. Georges Gallet, pour la régie du SIEDS : la régie du SIEDS persiste dans ses conclusions et moyens ; elle indique que l'instruction du préfet des Deux-Sèvres, relative à la création de la société Ouest Energie, est postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 9 août 2004 ; elle confirme que son refus de signature du contrat GRD/Fournisseur se fonde uniquement sur l'instruction du préfet des Deux-Sèvres relayant la position du ministre chargé de l'énergie et non sur l'un des motifs énumérés au huitième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 ; elle indique qu'en l'absence de l'instruction du préfet des Deux-Sèvres elle aurait signé le contrat GRD/fournisseur avec la société Sorégies ; elle précise que, dans le cas où la Commission de régulation de l'énergie ferait droit à la demande de la société Sorégies, elle serait confrontée à une situation délicate à l'égard du préfet des Deux-Sèvres ;

La Commission de régulation de l'énergie en ayant délibéré le 3 février 2005, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés.


*

* *


Les faits :

Le 28 juin 2004, le ministre chargé de l'énergie a délivré à la société Sorégies le récépissé prévu par l'article 2 du décret du 30 avril 2004 lui permettant l'exercice de l'activité d'achat d'électricité pour revente aux clients éligibles pour une durée de cinq ans.

Par lettres des 5 et 11 août 2004, la société Sorégies a respectivement communiqué à la régie du SIEDS le contrat GRD/fournisseur signé par elle et une garantie bancaire à première demande au titre de ce contrat.

Le 24 septembre 2004, le préfet des Deux-Sèvres a fait connaître au syndicat intercommunal d'énergie des Deux-Sèvres son avis concernant la création de la société d'économie mixte locale « Ouest Energie » que le syndicat entendait constituer.

Le 8 octobre 2004, en l'absence de réponse de sa part, la société Sorégies a mis en demeure la régie du SIEDS de lui retourner le contrat GRD/fournisseur avant le 30 octobre 2004.

Par une lettre du 18 octobre 2004, la régie du SIEDS a informé la société Sorégies qu'après avoir consulté le préfet des Deux-Sèvres elle refusait la conclusion du contrat GRD/fournisseur.

Elle a précisé que son refus était fondé sur la position du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, relayée par le préfet des Deux-Sèvres dans sa lettre du 24 septembre 2004, concernant la création de la société d'économie mixte locale dénommée « Ouest Energie », selon laquelle une société d'économie mixte locale ne peut intervenir en dehors de sa zone de desserte.

Les 16 et 18 novembre 2004, la régie du SIEDS a refusé à la société Sorégies de mettre en oeuvre la procédure de changement de fournisseur pour ses clients et l'a informée du rattachement des clients concernés au périmètre d'équilibre de la régie du SIEDS.

La société Sorégies a saisi la Commission de régulation de l'énergie, le 16 décembre 2004, d'une demande de règlement du différend tendant à ce qu'elle ordonne à la régie du SIEDS de signer un contrat GRD/fournisseur.

Sur le refus de la régie du SIEDS de signer le contrat GRD/fournisseur :

En application de l'article 23 de la loi du 10 février 2000, « [...] tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'énergie. Les critères de refus sont objectifs, non discriminatoires et publiés et ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement [...] ».

Il résulte de ces dispositions que le refus, par un gestionnaire de réseau public, de conclure un contrat GRD/fournisseur, lequel comporte un contrat d'accès aux réseaux publics d'électricité, peut uniquement être fondé sur des motifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement.

Il ressort de l'instruction que la régie du SIEDS, pour refuser de conclure le contrat GRD/fournisseur avec la société Sorégies, se fonde exclusivement sur la lettre en date du 23 août 2004 que lui a adressée le préfet des Deux-Sèvres, lui communiquant la position du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le processus de création d'une société d'économie mixte locale, dénommée « Ouest Energie », que le Syndicat intercommunal des Deux-Sèvres entendait constituer.

Selon cette position, l'activité de la société d'économie mixte locale « Ouest Energie » ne pourrait comporter la fourniture d'électricité aux clients éligibles situés en dehors de la zone de desserte du SIEDS, sauf dans le cas de la création par la société d'économie mixte locale d'une société commerciale ou l'entrée de celle-ci dans le capital d'une société existante, dans les conditions prévues par l'article 23 bis de la loi du 8 avril 1946.

Au cours de l'instruction, la régie du SIEDS n'a invoqué aucun autre motif, notamment tiré de ceux sur lesquels il lui appartient exclusivement de fonder sa décision, en application des dispositions précitées du huitième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 février 2000. Au cours de la séance publique de la Commission, le 3 février 2005, elle a précisé qu'en l'absence de l'instruction du préfet des Deux-Sèvres elle aurait signé le contrat GRD/fournisseur avec la société Sorégies.



Le motif retenu par la régie du SIEDS pour refuser à la société Sorégies la conclusion du contrat GRD/fournisseur n'est, donc, pas au nombre de ceux qui sont expressément et limitativement prévus par les dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 et qui sont seuls de nature à justifier un refus d'accès au réseau public de distribution.

Dans ces conditions, la société Sorégies est fondée à soutenir que la régie du SIEDS, qui n'a jamais invoqué un des motifs limitativement prévus par la loi, doit conclure avec elle un contrat GRD/fournisseur.

Sur le délai d'exécution de la décision :

La société Sorégies demande à la Commission de régulation de l'énergie de fixer un délai pour la signature par la régie du SIEDS du contrat GRD/fournisseur.

Aux termes de l'article 40 de la loi du 10 février 2000 : « la Commission de régulation de l'énergie peut [...] d'office [...] sanctionner les manquements qu'elle constate de la part des gestionnaires de réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] dans les conditions suivantes :

1° En cas de manquement d'un gestionnaire [...] à une disposition législative ou réglementaire relative à l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, [...], la commission le met en demeure de s'y conformer dans un délai déterminé. Elle peut rendre publique cette mise en demeure [...] ;

2° Les mêmes sanctions [que celles visées au 1° du même article ] sont encourues, lorsque le gestionnaire [...] mentionné au premier alinéa ne s'est pas conformé dans les délais requis à une décision prise par la commission, en application de l'article 38 de la présente loi, sans qu'il y ait lieu de le mettre prélablement en demeure [...] ».

Il résulte des termes mêmes du 2° de l'article 40 précité que la Commission de régulation de l'énergie doit fixer un délai d'exécution de sa décision de règlement du différend, dès lors que ce texte prévoit expressément qu'une sanction sera encourue, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une mise en demeure préalable, en cas de non-respect de cette décision « dans les délais requis ».

En l'espèce, la Commission de régulation de l'énergie fixe le délai d'exécution de la présente décision à quinze jours,

Décide :


Article 1


La régie du Syndicat intercommunal d'énergie des Deux-Sèvres (SIEDS) conclura, en application de l'article 23 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, un contrat GRD/fournisseur avec la Société de revente d'électricité et de gaz, d'investissement et d'exploitation en énergie et de services (Sorégies).

Article 2


Ce contrat devra être signé par la régie du Syndicat intercommunal d'énergie des Deux-Sèvres (SIEDS) dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 3


La présente décision sera notifiée à la Société de revente d'électricité et de gaz, d'investissement et d'exploitation en énergie et de services (Sorégies) et à la régie du Syndicat intercommunal d'énergie des Deux-Sèvres (SIEDS) ; elle sera publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 3 février 2005.


Pour la commission :

Le président,

J. Syrota